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Le codéveloppement

Une pratique clé pour l'organisation apprenante

Le codéveloppement est une méthode de partage d’expertise et d’apprentissage croisé, entre pairs. Importé du Québec où il a été théorisé par Adrien Payette et Claude Champagne dans les années 80, il ne se développe en France qu’à partir de l'an 2000. 

Le codéveloppement mise sur l’intelligence collective pour apporter des plans d’actions face aux problématiques, projets ou préoccupations exposé-e-s.

Les finalités sont nombreuses : capitaliser sur les savoir-faire et savoir-être, fonder une dynamique d’entraide et pérenniser des liens de collaboration de manière innovante. 

Allié à un programme de formation ou à la mise en place de communautés de pratiques, ou encore d’ateliers de partage de pratiques(*1), le codéveloppement peut contribuer à briser les silos, développer de nouveaux talents, alimenter une culture agile et ainsi participer à la gestion du changement d’une organisation.

A première vue, c’est une méthode de résolution de problèmes en groupe, problèmes réels et concrets apportés par les participants. Les sessions permettent effectivement d’avancer des solutions au vue des difficultés apportées. Mais à travers ces problèmes que l’on dénoue, la méthode va plus loin, elle permet à l’individu de développer de nouveaux modes d’observation et de raisonnement, de développer des capacités d’écoute et d’attention à l’autre. 

En outre, le travail réflexif avec des pairs sur des situations anxiogènes ou blessantes a au moins deux fonctions selon les chercheurs Casalegno et Nivet (*2): 
  • La première est une fonction cathartique permettant d’évacuer la charge émotionnelle associée aux situations évoquées plus haut
  • La deuxième est de différentier les différentes formes de projection dont le manager ou le coach font l’objet. Ainsi, en améliorant sa capacité de discernement, le manager ou le coach prend conscience de ce qui dépend de lui et de ce qui ne dépend pas de lui. Cet exercice n’est pas sans ressemblance avec les exercices méditatifs proposés par la philosophie stoîcienne. Elle permet de retrouver, du moins pour un temps, une relative « ataraxie (*3) » au sens d’Epictète.”
Un groupe de co-développement professionnel regroupe environ 5 à 10 participants pour un nombre équivalent de séances de façon à ce que tout le monde puisse amener un cas de codéveloppement et être "client".

 Le groupe de CoDéveloppement est composé de pairs, donc d'équipiers . Pas besoin d'un coach pour animer le groupe, c'est le groupe qui devient un "coach" pour le client le temps de la séance. Toutefois, l'animateur (qui pourra être un animateur tournant désigné parmi les participants) aura pour responsabilité de poser un cadre sécurisant en début de séance, fluidifier les interactions, recentrer si besoin, et se porter garant du respect de la méthode à chaque étape.

Une séance comporte 6 étapes :

1. L’exposé de la problématique : le client expose son problème, sa préoccupation ou son projet, les consultants écoutent en silence

2. La clarification : les consultants formulent des questions de clarification, le client répond et précise

3. Le contrat de consultation : le client définit le contrat de consultation puis les consultants reformulent et tous se mettent d’accord. On porte attention à la formulation du contrat demandé par le client et les consultant ne livrent pas leur compréhension/interprétation de la situation mais partagent plutôt leurs expériences pour éclairer la situation exposée.

4. Les réactions : les consultants produisent : ils offrent leurs suggestions, leurs commentaires, le client écoute, fait préciser et note.

5. La synthèse et l’établissement d’un plan d’action : le client assimile l’information et conçoit un plan d’action, les consultants l’aident à compléter.

6. Apprentissages-évaluation : tous décrivent leurs apprentissages respectifs et en prennent note. Ils partagent leur évaluation de la séance.

C’est une approche de formation misant sur les interactions entre participants et l’intelligence collective et qui ne ressemble donc en rien aux formations traditionnelles où le formateur « sachant » porteur et dépositaire d’un savoir apporte la théorie et les cas à traiter, et de l’autre des apprenants sont censés repartir avec des outils et un savoir-faire bien ficelé. Au nom du pragmatisme et du paradigme gestionnaire dominant, les apports conceptuels seraient une perte de temps selon l'approche traditionnelle ; agir mais surtout ne pas penser ce que l’on fait.

Et pourtant 
« S'il cesse de penser, chaque être humain peut agir en barbare » 
Hannah Arendt (1951). 

En résumé, au cours d’une séance :
  • Un membre devient client au cours d'une session de 3 heures environ.
  • Les autres sont consultants
  • L'animateur facilite l'efficacité du groupe
  • Il y a donc autant de séances que de participants, afin que chacun puisse prendre le rôle du client sur sa thématique. 
En résumé, au moins 6 bénéfices :
  • Résoudre des problèmes en groupe en peu de temps
  • Prendre du recul, le temps de réflexion plutôt que le « nez dans le guidon » 
  • Apprendre à aider et être aidé, ce que l’on fait peu en entreprise entre collègues ou entre pairs, et le savourer 
  • Développer la coopération transversale au service des objectifs de l’entreprise 
  • Prendre confiance dans ses idées et son expérience, en les proposant de manière explicite
  • Faire évoluer son modèle de fonctionnement et ne pas être sur la défensive

En guise de conclusion, la citation d’Adrien Payette donne une perspective de progression ou d'amélioration à tous ceux qui souhaitent se lancer dans la création d’un groupe de codéveloppement entre pairs.

"Par sa simplicité, le codéveloppement est à la portée de tous ceux qui veulent améliorer leur pratique, quelle qu’elle soit, mais, une fois qu’on a traversé cette simplicité, on se rend compte qu’elle (cette méthode) exige, pour donner les résultats attendus, un doigté, une sensibilité, une intelligence et une imagination bien loin de l’application mécanique d’un algorithme linéaire (les 6 étapes vues comme recette de cuisine)."

Et au final, cet article ne serait pas complet si je ne disais ce qui me l'a inspiré, le groupe meetup que je viens de créer Le CoachDev, le codev dédié aux coachs ! et que j'ai souhaité dédier à tous les consultants coachs agile ainsi qu'à tous les coachs professionnels (qui ne se disent surtout pas "consultants" !!!! :)), bref à tous ceux qui dans leur pratique du coaching rencontrent des problématiques qu'ils aimeraient partager avec leurs pairs dans un lieu "safe" et pour lesquels ils aimeraient repartir avec un début de solution. On parlera donc d'Agilité mais pas que et on va tenter de le faire une fois par mois.

(*1) Le codéveloppement correspond à une méthodologie définie et se distingue d’autres approches qui sont certainement « parentes » mais néanmoins différentes telles que les groupes d’analyse de pratiques, le co-coaching, l’intervision ou le coaching de groupe. L'AFCODEV propose ici quelques définitions pour les différencier : https://www.afcodev.com/le-codeveloppement/les-approches-cousines.html

(*2 ) JC Casalegno, professeur consultant chercheur au Groupe ESC Clermont en Management et Gestion des Ressources Humaines et Brigitte Nivet, Enseignante chercheuse au Groupe ESC Clermont en Management et Gestion des Ressources Humaines

(*3) Définition du Larousse : "Quiétude absolue de l'âme, idéal du  sage, selon l'épicurisme et le stoïcisme."

Sitographie

https://www.4tempsdumanagement.com/4-57-Co-Developpement-Recherche-exploratoire-sur-un-nouveau-modele-d-analyse-des-pratiques_a6516.html
Centre Européen de codéveloppement profession et managérial https://www.cecodev.fr/cecodev/le-codeveloppement
L’Association Française de Codéveloppement : www.afcodev.com

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Lean Scrum Guide 2020 , un retour aux sources de Scrum
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Si je décide de confier à mon supérieur hiérarchique qu’il me semble qu’untel n’est pas suffisamment ceci et beaucoup trop cela" sur la base de ressentis personnels et de faits non avérés ni démontrables, quelle devrait être la réaction appropriée de ce « supérieur hiérarchique » qui plus est si la scène se passe dans une entreprise où sont prônées en interne des valeurs telles que la transparence, la confiance, le respect des différences, l'ouverture aux autres ? Que feriez-vous vous même si vous étiez confronté au problème ? Je regarderais d’abord si le plaintif est affecté ou non dans son travail par le comportement dénoncé ? Le comportement pointé du doigt contribue-t-il à détériorer ses conditions de travail ? Si oui en quoi, et comment cela l’affecte-t-il concrètement ? Si la réponse est oui alors je m’assurerais de mettre en présence ces 2 personnes pour tenter de les aider à résoudre ensemble le problème. Je m'efforcerai que le plaignant exprime son ressenti (qui par définition n'est ni objectif ni factuel) de manière suffisamment claire pour que l'autre puisse comprendre ce qui lui est reproché. Et par la suite, je ferai un suivi du problème afin que cela ne tombe pas sous le coup de la loi. Si la réponse est non, alors je demanderais au plaignant de me dire ce qu’il attend de moi ? En milieu professionnel, une personne qui trouve une autre "un peu trop ceci ou pas assez cela" se verra sans doute bien embarrassée lorsqu'il lui faudra formuler réponse à ladite question. "Que tu ailles gronder pour moi cette personne et lui donner une bonne leçon ! " Il est vraisemblable que cette phrase ne sera jamais prononcée et restera dans le non-dit mais on peut se poser la question ici des conséquences d’un tel « reporting » sur la personne mise ou remise en cause sur la base d’un simple ressenti et que le salarié qui porte la dénonciation n’est pas censé ignorer. Or, si la question n'est non seulement pas posée par le supérieur hiérarchique mais qu'en plus il ou elle décide de transmettre la supposée "plainte" au supérieur en charge de la personne visée par le plaignant, on peut raisonnablement penser qu'il ou elle entre dans le jeu du plaignant en devenant le passeur d'un commérage, d'un non-sujet, d'un non-dit voire d'une accusation que celle-ci soit fondée ou pas avec toutes les conséquences là encore que cela peut engendrer pour le salarié ainsi dénoncé. Dans la cour d'école, l'enfant jaloux, craintif, coléreux, voire vengeur, qui n'ose se confronter à l'autre, s'empresse encore plus volontiers d'aller chuchoter à l'oreille de la maitresse, s'il sait que celle-ci entrera dans son jeu et ira gronder l'enfant qu'il lui a désigné. Si au lieu de cela, la maitresse réunit les deux et leur apprend le dialogue, l'enfant qui a dénoncé hésitera à venir "gossiper" (anglicisme pour « colporter des commérages ») mais osera peut-être se confronter à l'autre. S'inscrire en tant que membre d'une communauté professionnelle, dans une attitude scolaire et enfantine de commérage entre collègues est déjà en soit contre-productif, mais lorsque cette attitude est soutenue voire organisée au plus haut sommet de l'entreprise, quel impact sur l'ambiance et la confiance entre collègues ? « Je comprends ce que tu me dis de cette personne qui me trouve trop ceci et pas assez cela... Ou plus exactement, tu me rapportes ce que t’as dit ton homologue (l'autre supérieur hiérarchique) au sujet de la « plainte » de cette personne qui ne me trouve pas suffisamment ceci et beaucoup trop cela. ... Que dois-je en faire ? - Me méfier de cette personne qui se plaint de moi par supérieur interposé sans venir m'en parler ? - Modifier mon comportement en fonction de ce que tu me dis de ce que t'as dit ton homologue sur la base de ce que lui a confié cette personne ? Au nom de qui et de quoi et sur quels fondements ?
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